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Philip K.Dick, un mystique dans la science-fiction

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On ne présente plus Philip Kindred Dick, écrivain culte au parcours tourmenté. Pourtant, alors que la reconnaissance soit arrivée après sa mort (première fois qu’un écrivain de science-fiction est publié dans l’équivalent des » Pléiades » aux Etats-Unis) , on ne mesure pas encore l’importance de cette comète visionnaire. En pleine période psychédélique, ses livres sont d’abord apprécié pour leur aspect étrange et détonnant, et c’est paradoxalement en France, pays du cartésianisme, qu’il aura une reconnaissance plus large que les prix de science-fiction, chose qui l’étonnera lui-même lorsqu’il fut invité à faire une conférence à Paris.

Les histoires des romans et nouvelles de K.Dick tournent autour du questionnement de la réalité, que le monde tel qu’on nous le décrit n’est pas ce qu’il est en réalité. Quelque part il popularise le mythe de la caverne de Platon au travers de plusieurs romans comme « La Vérité Avant- Dernière »  ; les personnages luttent souvent pour leur survie ou une idée qui se révèle cloisonnante, et au prix d’efforts surhumains et de « saut dans le vide », en explorant des voies de traverses, ils découvriront que le monde est tout autre que ce que l’autorité leur décrit. L’ Autorité et l’obéissance froide des humains à celle-ci est un autre des thèmes de prédilection de l’auteur ;

marqué par la deuxième guerre mondiale et la guerre froide, Philip K.Dick est bien plus qu’un écrivain de série B pour amateur d’étrange, il nous parle d’empathie, et d’un monde occidental en manque de coeur et qu’il voyait déjà partir à la dérive dans ces outrances eugéniques, égoïstes et corporatistes.

Les personnages centraux sont souvent des êtres sensibles qui n’ont pu trouver leur vraie place dans la société et ont un rapport difficile à l’autorité. En revanche, ils développent des dons, souvent psychiques ou artistiques- qui en font des êtres singuliers qui détonnent et finissent par faire déraper une machine bien huilée.

Les androïdes peuvent souvent y être vu comme l’hyperbole des êtres humains froids, qui obéissent « parce que c’est comme ça », ne se rendant pas compte qu’ils participent à une société mortifère et chosifiant le monde, mais comment le pourraient-ils, puisqu’on les a dépourvu d’empathie ?

Cependant l’androïde y est aussi l’introspection de l’homme qui accepte de voir qu’en lui il y a une machine, « programmée » par les habitudes, les pensées, et que pour pouvoir changer, il faut passer par le cap courageux,presque fou dans la pensée Dickienne, de voir cette machine en face et de la dépasser. On pense parfois à Gurdjieff et son enseignement de l’homme qui « doit d’abord accepter qu’il est un mécanisme,le connaître et le modifier par la force de sa conviction pour pouvoir espérer accéder à un éveil de la conscience.

On pense aussi au « supramental » de Sri Aurobindo, que quelque part, Dick, grand lecteur de philosophie orientale, approche par le biais des pouvoirs « psy », ces mutants nouvelles générations qui refusent un monde matérialiste.

Comment ne pas penser à « Dr.Bloodmoney« , ce terrible roman où un handicapé dans le monde normal devient rapidement le guide dotés de grands pouvoirs après un cataclysme ?

Le contexte et l’univers de Dick, inspiré de son époque angoissante que fut la guerre froide et la montée du néolibéralisme en Amérique, bien que typé et riche de description colorée n’en demeure pas moins sur le fond d’une éloquence percutante, il avait le sens de l’analogie et de la métaphore en peu de mot, faisant basculer une histoire de façon totalement imprévisible pour ouvrir de grandes portes de réflexions, outre la réalité et l’empathie, sur le sens de la destinée individuelle et humaine au sens large.

Dick avait sans doute un grand coeur et ne savait pas toujours comment vivre avec, dans ce monde si cloisonné. Comment ne pas penser non plus au phénomène des autistes dit « Asperger », souvent doués et capables de belles choses, d’approches intuitives, et pourtant parfois en difficulté avec le rapport concret à la société ou le comportement humain ? Il en était peut-être un, lui qui ne supportait pas la foule et fit souvent envoyer sa mère à sa place suivre les cours à l’université, incapable qu’il était d’y assister.

Le sage indien Krishnamurti disait « que ce n’est pas un signe de bonne santé d’être adapté à un monde malade », voilà qui correspond tout à fait à l’avertissement lancé par Dick dans ses écrits, lui qui peuplait de ses récits les barjots, les policiers désaxés, la figure monolithique du patriarche,la femme insaisissable, les agents espionnant les êtres originaux, et enfin la quête mystique comme évolution de l’homme.

Dans « Au bout du Labyrinthe » (A Maze of Death) , peut-être pas son plus grand roman, la trajectoire vers cet absolu divin est pourtant limpide, on peut même y voir le principe du karma et de la réincarnation ; au début, les personnages se retrouvent isolément sur une planète inconnue pour une mission (analogie de la venue d’une âme sur Terre ?) . Les querelles égotiques prennent rapidement le dessus, les meurtres se succèdent, et les protagonistes cherchent une issue en suivant les messages mystérieux d’un « fongus », sorte de champignon omniscient répondant à toutes les questions si on les lui pose bien.Le héros lui, a une vision du Christ qu’il tient pour réelle, sur cette planète qui se déglingue.Finalement, l’aventure se révèle être une sorte d’illusion, comme la mort, et dont seule la présence christique-et l’empathie qui la soutent- est réelle. Là aussi on pense à un autre mystique, François d’Assise, qui nous disait « que la seule chose que nous emportons dans l’au-delà, c’est comment on a aimé »

Alors Philip K.Dick, un mystique perdu en occident ? Rêve ou réalité ?

 

Quelques lectures que nous conseillons :

 

N.B : L’oeuvre de Dick étant très dense, il s’agit d’un choix exhaustif, d’autant que de l’aveu même de l’auteur, qui vivait difficilement de ses écrits, certains romans sont mineurs par besoin économique.Il n’en demeurent pas moins qu’il a sut grandir dans sa trajectoire, notamment avec le chef-d’oeuvre « Ubik », peut-être bientôt au cinéma, réalisé par Michel Gondry, ou encore « Le Maître du Haut-château », qui imagine le monde après une victoire nazie et japonaise, où l’amérique est un pays colonisé, avec le Yi-King en toile de fond, lui aussi en projet de mini-série par Ridley Scott lui-même.

Nous terminerons cet article par une courte évocation des adaptions , bien peu rendent hommage à la profondeur des livres, on citera bien sûr l’envoûtant « Blade Runner », film évocateur s’il en est, et qui ouvre la porte à l’introspection, « Minority Report » de Steven Spielberg, ou « A scanner Darkly » avec Keanu Reeves.

 

Enfin voici un  documentaire sur cet écrivain si particulier :


3 commentaires

  1. Brunimaro dit :

    A reblogué ceci sur BrunoM@rieet a ajouté:
    Philip K. Dick is alive 🙂

    Aimé par 1 personne

  2. pegasusociety dit :

    …and we are dead

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  3. […] réalité qu’elle génère, est plus que jamais d’actualité, comme l’oeuvre de Philip K.Dick en […]

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